- privilège
-
• 1190; var. privilegie, priviliège; lat. jurid. privilegium « loi concernant un particulier »1 ♦ Droit, avantage particulier accordé à un seul individu ou à une catégorie, en dehors de la loi commune. ⇒ apanage. Concéder, donner, retirer un privilège. Avoir, obtenir un privilège. Bénéficier d'un privilège. Les privilèges dont les uns jouissent au préjudice des autres. ⇒ passe-droit. — Hist. Les privilèges : droits et avantages que possédaient certaines personnes en raison de leur naissance (nobles), de leurs fonctions (clercs, magistrats), etc. ⇒ prérogative. Abolition des privilèges et des droits seigneuriaux dans la nuit du 4 août 1789. « Je trouve impertinents les privilèges de la noblesse. Je quitte une patrie où ces privilèges m'offensent » (Stendhal).♢ Dr. civ. Privilège de juridiction. — Privilège d'une créance : « Droit que la qualité d'une créance donne à son bénéficiaire d'être préféré aux autres créanciers même hypothécaires » (Capitant). Privilège des bouilleurs de cru. — Privilège exclusif. ⇒ monopole. Privilège d'émission de la Banque de France.♢ Anciennt Privilège du Roi, ou ellipt Privilège : autorisation exclusive d'imprimer un ouvrage après examen de la censure.2 ♦ Dr. Acte authentifiant la concession d'un privilège. Dresser, enregistrer, sceller un privilège.3 ♦ Avantage, faveur que donne qqch. Le privilège de la naissance, de la fortune, de l'âge. « Les privilèges de la beauté sont immenses » (Cocteau).4 ♦ Apanage naturel apprécié (d'un être, d'une chose). La pensée est le privilège de l'espèce humaine. « elle avait néanmoins ce privilège d'être pour chacun une source de courage, d'équilibre, de bonheur » (Martin du Gard). Avoir le privilège de connaître qqn. — Le privilège de l'immortalité. ⇒ 1. don. — Péj. ou iron. « Rire des gens d'esprit, c'est le privilège des sots » (La Bruyère).♢ Loc. Avoir le triste privilège de (et inf.) :devoir remplir une tâche qui honore mais qui est pénible. Avoir le triste privilège de prononcer une oraison funèbre.Synonymes :- prérogativeAvantage particulier considéré comme conférant un droit, une faveur à...Synonymes :- bénéficeCe que l'on considère comme un avantageSynonymes :- avantageDéfaut que quelqu'un semble avoir reçu comme un donSynonymes :- donprivilègen. m.d1./d Droit exceptionnel ou exclusif, accordé à un individu ou à une collectivité, de faire qqch, de jouir d'un avantage.|| DR Droit reconnu à un créancier d'être payé avant les autres.d2./d Caractère, qualité unique. La raison est le privilège de l'être humain.d3./d Prérogative. Posséder le privilège d'un grand nom.⇒PRIVILÈGE, subst. masc.A. —1. Droit, avantage particulier accordé par une autorité, à une personne ou à un groupe, en dehors des règles communes. La propriété privée (...) a subi de graves atteintes au cours des récentes décennies (réglementation des loyers, création de privilèges au profit des locataires, extension du mécanisme de l'expropriation (...)) (MEYNAUD, Groupes pression Fr., 1958, p.62). [Les inscrits maritimes] ont un privilège d'engagement à bord des navires de commerce français où (...) les trois quarts des places disponibles leur sont réservées (M. BENOIST, PETTIER, Transp. mar., 1961, p.153). V. exemption A 2 ex. de Huysmans:• 1. La nature veut que tous les enfants soient traités également par le père. La nature veut qu'aucune préférence arbitraire, qu'aucun privilège légal ne rompe l'égalité des frères et soeurs...JAURÈS, Ét. soc., 1901, p.215.— Gén. au plur. [Sous l'Ancien Régime] Droits, avantages matériels ou honorifiques, concédés à certaines personnes en raison de leur naissance, de leurs fonctions, de leur appartenance à certains corps (magistrature, clergé, corporations), ainsi qu'à certaines institutions, certaines villes ou provinces. Privilèges de la noblesse, du clergé, d'une commune; classes, provinces à privilèges; accorder, donner un/des privilège(s); abolir, supprimer, défendre les privilèges. Mon maître, le duc Mathieu de Montmorency (illustre dans le peuple pour avoir demandé l'abolition des privilèges le 4 août (...)) (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.416). La Faculté de médecine de Montpellier était fort ancienne (...). Elle était illustre par ses professeurs, ses privilèges et ses doctrines (A. FRANCE, Rabelais, 1909, p.26). V. féodal I A ex. de Radiguet:• 2. ... l'aristocratie elle-même oublie en quelques générations que ses privilèges n'ont été que la récompense de ses services.MAUROIS, Dialog. commandement, 1924, p.176.— Dans le domaine écon. et comm. Autorisation d'exercer une activité particulière, accordée exclusivement à une personne, à une société; situation de monopole qui en résulte. Privilège de fabrication, d'exploitation d'une mine. Un riche capitaliste (...) lui donna autant de fonds qu'il lui en fallait pour exploiter son privilège [une charge d'agent de change] (BALZAC, Ferragus, 1833, p.31). En 1745, un arrêt du Conseil d'État accorde un privilège à Charles Adam pour la manufacture de porcelaine façon de Saxe au château de Vincennes (G. FONTAINE, Céram. fr., 1965, p.103):• 3. ... il s'agissait d'une concession de chemin de fer. Trois sociétés se présentaient (...); vous m'avez dit que votre instinct vous faisait croire que le privilège serait donné à la société dite du Midi (...). Le privilège lui a été, en effet, accordé, comme vous l'aviez prévu, les actions ont triplé de valeur...DUMAS père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.90.Privilège d'émission de la Banque de France. Droit exclusif d'émettre les billets, conféré à cette banque depuis 1848. La Banque de France est la pièce maîtresse du système. Son privilège d'émission de billets que chacun est tenu d'accepter lui a toujours conféré le pouvoir d'agir sur la distribution du crédit (CHENOT, Entr. national., 1956, p.81).♦En partic.HIST. DU THÉÂTRE. Droit exclusif de donner certaines représentations, certains concerts, accordé autrefois à une personne ou à une troupe. La troupe de Montdory est maintenant à peu près tranquille, à peu près sans procès. Le privilège de l'Hôtel [de Bourgogne] a disparu (BRASILLACH, Corneille, 1938, p.121). En 1853, il [Florimond Ronger, dit Hervé] obtenait de Morny le privilège des Folies-concertantes pour y faire jouer ses opérettes (DUMESNIL, Hist. théâtre lyr., 1953, p.184). [Lully] reçut en 1672 le privilège de l'Académie Royale qui lui donnait pratiquement le monopole sur le «théâtre en musique» (Encyclop. univ. t.10 1968, p.142).HIST. DU LIVRE. Privilège (du roi/royal). Sous l'Ancien Régime, autorisation d'imprimer un ouvrage pendant un temps donné, accordée exclusivement à un éditeur après examen par la censure et dont la mention figure avant ou après le texte de l'ouvrage. Lettres de privilège. —Et le privilège du Roi? fit le lieutenant d'un ton sec. —Le privilège? Vous savez bien, Monsieur, que depuis Monseigneur Loménie de Brienne, les brochures passent sans privilège (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t.1, 1870, p.122). L'un [des ascendants de Mallarmé] (...) fut syndic des libraires sous Louis XVI, et son nom se trouve au bas du privilège du Roi, en tête de l'édition originale française du Vathek de Beckford (VERLAINE, OEuvres compl., t.5, Hommes d'auj. (Mallarmé), 1885-93, p.345). Fréquemment (...) plusieurs imprimeurs se disputaient le droit d'éditer le même ouvrage ou l'éditaient simultanément ou successivement, revendiquant chacun pour soi l'exclusivité. Aussi les libraires en vinrent-ils à solliciter du Roi le privilège qui les protégeait contre les dangers de la concurrence (Civilis. écr., 1939, p.16-7).♦P. anal. Exclusivité. La préfecture et l'évêché finirent par donner le privilège de leurs impressions aux frères Cointet (BALZAC, Illus. perdues, 1837, p.21). À force d'en parler à Byron, il [Shelley] obtint de celui-ci la promesse de fonder avec Hunt un journal libéral qui serait édité en Italie et publierait le premier toutes les oeuvres de Byron. Ce seul privilège suffisait à assurer le succès du journal (MAUROIS, Ariel, 1923, p.335).— DROIT♦DR. CIVIL. ,,Droit que la loi reconnaît à un créancier, en raison de la qualité de sa créance, d'être préféré aux autres créanciers, sur l'ensemble des biens de son débiteur ou sur certains d'entre eux seulement`` (Jur. 1981). Privilèges généraux, spéciaux; privilèges mobiliers, immobiliers; privilège du Trésor. Votre beau-père doit exercer également son privilège pour la somme des loyers dus (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p.620). Vous croyez que l'on prête ainsi, sans sûreté, Sur le talent d'un homme, ou sur sa probité? On ne prête, mon cher (...) Que sur bonne hypothèque ou sur bon privilège (PONSARD, Honn. et argent, 1853, IV, 5, p.96).Privilège de juridiction. V. juridiction A.♦DR. FISCAL. Privilège des bouilleurs de cru. ,,Franchise de droits accordée à certains bouilleurs de cru jusqu'à concurrence de 10 l. d'alcool pur par an`` (SALLÉ 1982).♦DR. INTERNAT. PUBL. Privilèges diplomatiques. Avantages, droits spéciaux dont jouissent les membres des services diplomatiques et de certains organismes internationaux. J'ai fait l'Espagnol parlant mal le français, se réclamant de son ambassadeur, alléguant les privilèges diplomatiques (BALZAC, Splend. et mis., 1846, p.381). V. immunité I ex. de Charte Nations Unies.Privilège d'exterritorialité.— RELIG. Privilège paulin ou paulinien. ,,Possibilité de dissolution du mariage entre deux conjoints non-chrétiens lorsque l'un d'eux se convertit au christianisme et que l'autre ne veut plus cohabiter pacifiquement avec son conjoint`` (BOUYER 1963).2. P. méton. Acte conférant un privilège. Je remarquai parmi les manuscrits les privilèges d'Utrecht, de Dordrecht, etc. (MICHELET, Journal, 1837, p.783). Le rideau que tu vois représente Le roi Louis Quatorze en seize cent soixante Douze (...). Le grand Roi (...) Donne à Lulli, devant sa cour, le privilège De l'Opéra, qu'avait auparavant l'abbé Perrin (BANVILLE, Odes funamb., 1859, p.93). La lecture des privilèges est instructive: on y trouve les termes «À l'imitation de la Hollande» (Rouen, 1673) (G. FONTAINE, Céram. fr., 1965, p.155).B. —Avantage particulier.1. Avantage, faveur dont bénéficie une personne ou un groupe par suite d'un choix arbitraire, d'une situation ou de circonstances particulières. La culture, dès qu'elle est sentie comme un privilège ou un intérêt, avilit aussi bien son homme que la possession de titres de rente (GUÉHENNO, Journal homme 40 ans, 1934, p.254). Les Baudouin n'avaient pas joui de privilèges particuliers vis-à-vis de la rougeole ou de la varicelle. À la cavée des portes, on souffrait comme ailleurs des oreillons et des otites (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.126):• 4. ... que de privilèges m'ont été accordés de plus qu'au frère d'Eugénie! Existence assurée, sept ans de voyages, connaissance d'une multitude d'hommes célèbres, toute facilité pour m'instruire, pour écrire, pour publier, abondance de ressources variées.AMIEL, Journal, 1866, p.67.— Privilège + compl. introd. par de♦[Le compl. désigne le bénéficiaire du privilège] Ce jeune savant qui (...) semblait oublier que la science n'est pas le privilège d'une classe, qu'elle est le patrimoine des masses (DUHAMEL, Combat ombres, 1939, p.271). Il se peut que le confort passe pour un privilège de la bourgeoisie (AYMÉ, Confort, 1949, p.195).♦[Le compl. désigne ce à quoi est attaché le privilège, son origine] Les privilèges de l'amitié. Tout le monde ici est à la messe à Andillac (...). Mais seul, par le privilège de ma santé, je suis exempt de la pieuse fatigue (M. DE GUÉRIN, Corresp., 1837, p.310). Railler Lanoue, c'est mon privilège d'ami, un privilège dont je suis âprement jaloux (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p.180).♦[Le compl. désigne la nature du privilège][Le compl. est un subst.] Le privilège de l'argent. Les privilèges de la fortune et du loisir deviennent des principes destructeurs pour la classe qui les possède, s'ils ne se transforment pas en instruments de supériorité intellectuelle et politique (BOURGET, Essais psychol., 1883, p.108). Elle avait encore le divin privilège d'un coeur et d'un corps adolescents, cette fraîcheur des sens (...) qui donne presque l'illusion de la pureté (ROLLAND, J.-Chr., Adolesc., 1905, p.335).[Le compl. est un inf.] Elle considérait que sa charge comportait le privilège de pénétrer à toute heure dans ma chambre et d'y rester s'il lui plaisait (PROUST, Fugit., 1922, p.567). Nous sommes ceux qui eurent le privilège de connaître Lucien Guitry (Arts et litt., 1935, p.88-5).— Au sing. à valeur de générique. La règle absolue des sociétés, la seule logique, la seule naturelle et légitime est le privilège. L'inégalité est le droit naturel (GONCOURT, Journal, 1868, p.454). Notre premier souci c'est de porter au plus haut degré la puissance défensive de la nation (...), afin que l'armée (...) apparaisse à tous comme la gardienne de la patrie (...) et non pas comme la gardienne du privilège et du capital (JAURÈS, Paix menacée, 1914, p.415).2. P. ext. Avantage naturel, don particulier de quelqu'un, propriété de quelque chose. Et j'ai mis à mon doigt, sachant son privilège, La chrysolithe qui guérit de la folie (RÉGNIER, Poèmes anc., 1890, p.116). Le (...) ronron, mystérieux privilège du félin (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p.82). V. féconder ex. 8, grâce III B ex. de Duhamel:• 5. ... il était si séduisant! Ses manières étaient si câlines! (...) Il avait toujours gagné sa cause avant d'avoir parlé. Ce fatal privilège perd plus de jeunes gens qu'il n'en sauve.BALZAC, Illus. perdues, 1837, p.134.— Privilège + compl. introd. par de ou + adj.♦[Le compl. indique un état auquel est lié le privilège] Privilège de l'âge. Peut-être est-ce un des privilèges de la vieillesse, de ne pas trop s'apercevoir elle-même de ce qui crève les yeux de tous (GIDE, Journal, 1927, p.863). Je profitai passionnément du privilège de l'enfance pour qui la beauté, le luxe, le bonheur sont des choses qui se mangent (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p.11):• 6. Bettina a, jusqu'à en être exaspérante, tous les défauts que l'on attribue volontiers à son sexe (...). Mais elle a également tous les privilèges du génie féminin: une intuition immédiate lui décèle la qualité secrète des êtres qu'elle approche; elle a le don de l'expression...BÉGUIN, Âme romant., 1939, p.240.♦[Le compl. ou l'adj. indique la nature du privilège]+ adj. Ce culte secret, chaste, d'enfant à enfant du même sexe, qui naît de certains privilèges physiques exorbitants (GRACQ, Beau tén., 1945, p.52). Dès l'origine de l'humanité, leur privilège biologique a permis aux mâles de s'affirmer seuls comme sujets souverains, ils n'ont jamais abdiqué ce privilège (BEAUVOIR, Deux. sexe, t.1, 1949, p.127).+ subst. M. Dubufe aura longtemps encore le privilège des portraits élégants (BAUDEL., Salon, 1846, p.161). Dès les âges dits paléolithiques, (...) [l'humanité] avait étendu son aire d'habitat dans des proportions telles qu'elle équivalait presque à l'ubiquité. Ce privilège de quasi-ubiquité, elle l'avait communiqué déjà, ou devait le communiquer dans la suite, aux animaux entrés dans sa clientèle, notamment au chien (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p.26). V. classe ex. 6.+ inf. Cette poudre grise qui a le privilège de paralyser, pour un temps donné, tous les sens, à l'exception de l'ouïe (PONSON DU TERR., Rocambole, t.3, 1859, p.183). Edwin maintenant avait fermé les yeux. Il avait le privilège de s'endormir dès qu'il voulait (GIRAUDOUX, Suzanne, 1921, p.210).— P. iron. C'est un triste privilège des lieux les plus charmants d'attirer les invasions et les avalanches (HUGO, Rhin, 1842, p.406). Elle jouissait, grâce à son âge, du privilège d'une immuable laideur: rien ne pouvait altérer cette physionomie de buis sculpté (GAUTIER, Fracasse, 1863, p.39). Cézanne possède ce privilège d'avoir été le plus méprisé et bafoué des artistes de son temps (CASSOU, Arts plast. contemp., 1960, p.25).3. Valeur, importance particulière qu'a une chose ou qu'on lui accorde. La matière n'est rien d'autre que cette dépendance réciproque de tout par rapport à tout, sans aucun centre de privilège (ALAIN, Propos, 1933, p.1119). Il n'y a pas de différence fondamentale entre les modes d'expression, on ne peut donner un privilège à l'un d'entre eux comme s'il exprimait une vérité en soi (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p.448).Prononc. et Orth.:[
]. Ac. 1694, 1718: -lege; 1740-1835: -lége; dep. 1878: -lège; LITTRÉ: -lége:,,on prononce avec l'è ouvert, bien que l'Académie conserve l'accent aigu``. Voir G. STRAKA ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t.19 n° 1 1981, p.204, 205. Étymol. et Hist.1. a) Ca 1170 privilege «droit, avantage personnel accordé par exception au droit commun» (GUILLAUME DE ST-PAIR, Mont-Saint-Michel, éd. P. Redlich, 2209); b) 1252 privilege de crois «privilège qu'ont les croisés de ne pas payer d'impôts, de collectes, etc., et de ne pas être poursuivis pour dettes» (Chartes de Douai, 27, 11 (et non 19) ds T.-L.); c) ca 1276 previlege «prérogative attachée à l'état ecclésiastique» (ADAM DE LA HALLE, Jeu de la Feuillée, éd. O. Gsell, 448); 1690 «droit, prérogative, attaché aux charges, aux emplois, aux conditions, aux états, etc.» (FUR.); d) 1508 previlege (du roi) «autorisation d'imprimer donnée par le gouvernement royal» (L'Espinette du jeune prince conquérant le royaulme de bonne renommée); e) 1690 «droit que la qualité de la créance donne à un créancier d'être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires» (FUR., s.v. créancier); 2. mil. du XIIIes. prevelige «acte qui contient la concession d'un privilège, charte» (Assises de Jérusalem, t.1, p.111 et 115 ds GDF.); 3. a) av. 1648 «faculté, vice, inconvénient personnel» (VOITURE ds Trév. 1701); b) 1690 «don naturel, soit du corps, soit de l'esprit» (FUR.). Empr. au lat. jur. privilegium «loi concernant un particulier». Fréq. abs. littér.:2033. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 4589, b) 2492; XXes.: a) 1682, b) 2382. Bbg. DUB. Pol. 1962, p.383. —VARDAR Soc. pol. 1973 [1970], p.293.
privilège [pʀivilɛʒ] n. m.ÉTYM. V. 1190; var. privilegie, priviliege; lat. jurid. privilegium « loi concernant un particulier ».❖1 Droit, avantage particulier accordé à un seul individu ou à une catégorie d'individus (⇒ Privilégié), avec faculté d'en jouir en dehors de la loi commune. || Privilège spécial, séculaire, temporel… || Concéder, donner (→ Évêque, cit. 3), retirer un privilège. || Avoir, obtenir un privilège (→ Égal, cit. 14; égalitaire, cit. 3). || User d'un privilège (→ Permettre, cit. 4). || Refuser un privilège (→ Euthanasie, cit. 1). || Il a ses entrées (cit. 15) partout, privilège précieux. || Les privilèges dont les uns jouissent au préjudice des autres. ⇒ Passe-droit (→ Inégalité, cit. 3). || Accepter les privilèges d'une caste, d'une classe (⇒ Attribution) sans en accepter les fonctions (cit. 6). — Le privilège de (et l'inf.). || S'attribuer le privilège de faire qqch. (→ Déontologie, cit. 2). || Avoir le privilège d'être admis auprès d'un haut personnage. ⇒ Honneur (→ Doyen, cit. 1). — Spécialt (hist.). || Les privilèges : « Droits et avantages utiles ou honorifiques que possédaient certaines personnes, soit à raison de leur naissance (nobles), soit à raison de leurs fonctions ou de l'entrée dans certains corps (clercs, magistrats, membres des diverses corporations), ou certaines régions (pays d'État) » (Lepointe, Petit voc. d'hist. du droit franç.). ⇒ Prérogative. || Privilèges des nobles (cit. 17) et du clergé sous l'Ancien Régime (→ Éminent, cit. 4). || Abolition des privilèges et des droits seigneuriaux dans la nuit du 4 août 1789. || Privilège de clergie. || Privilèges acquis par les communes, les villes. ⇒ Franchise (cit. 2 et 3). || Privilèges octroyés par une charte. — Hist. ecclés. ⇒ Indult. — Dr. internat. || Droits et privilèges reconnus par les capitulations.1 Ce que je nomme en ce moment le privilège n'est pas un de ces droits abusivement concédés jadis à certaines personnes au détriment de tous; non, il exprime plus particulièrement le cercle social dans lequel se renferment les évolutions du pouvoir.Balzac, le Médecin de campagne, Pl., t. VIII, p. 440.2 Je trouve impertinents les privilèges de la noblesse. Je quitte une patrie où ces privilèges m'offensent, et ce serait être encore sous leur empire que de profiter du changement de pays pour donner à mon nom les apparences de la noblesse.Stendhal, Romans et nouvelles, « Le rose et le vert », III.3 L'argent, l'orgueil, immolé, toutes les vieilles insolences héréditaires, l'antiquité, la tradition même (…) le monstrueux chêne féodal abattu d'un coup (…) Tout semblait fini (…) Après les privilèges des classes, vinrent ceux des provinces. Celles qu'on appelait Pays d'État, qui avaient des privilèges à elles, des avantages divers pour les libertés, pour l'impôt, rougirent de leur égoïsme, elles voulurent être France (…) Puis ce fut le tour des villes. Leurs députés vinrent en foule déposer leurs privilèges sur l'autel de la Patrie.Michelet, Hist. de la Révolution franç., II, IV.3.1 Nul en ce monde n'est le pareil et l'égal d'un autre. La règle absolue des sociétés, la seule logique, la seule naturelle et légitime doit être le privilège. L'inégalité est le droit naturel, l'égalité la plus horrible des injustices.Ed. et J. de Goncourt, Journal, t. III, p. 172.4 L'erreur des anciennes élites a été d'oublier que les privilèges dont elles disposaient n'étaient que la rétribution des services qu'elles avaient rendus.Daniel-Rops, Ce qui meurt…, p. 33.4.1 Entre autres privilèges enviés par toute la noblesse anglaise, lord Burbury avait celui, exclusif, d'ouvrir son parapluie dans les appartements du roi et sa femme une ombrelle.M. Aymé, le Passe-muraille, p. 39.♦ Par métaphore. || Bénéficier (2. Bénéficier, cit. 1) d'un merveilleux privilège. || Femme revêtue d'un privilège imprescriptible (cit. 2). — Par antiphr. (→ ci-dessous, cit. 5, Renard).5 Quant à Poil de Carotte, il est spécialement chargé d'achever les pièces blessées. Il doit ce privilège à la dureté bien connue de son cœur sec.J. Renard, Poil de Carotte, Les perdrix.6 (…) beaucoup de vivants dont ce n'était pas l'heure de mourir sont descendus par curiosité aux Enfers, et ils en sont par extraordinaire revenus. C'est un privilège poétique dont Homère, Virgile, Ovide, Dante, ont fait bénéficier leurs héros.Émile Henriot, Mythologie légère, p. 169.♦ Dr. || Privilèges juridictionnels. ⇒ Immunité. || Privilège de juridiction ou de judicature. — Privilège d'une créance, d'un créancier : « droit que la qualité d'une créance donne à son bénéficiaire d'être préféré aux autres créanciers même hypothécaires » (Capitant, Vocabulaire juridique). ⇒ Privilégié. || Gage (cit. 1) qui permet à un créancier de se faire payer par privilège (⇒ Préférence). || Privilèges généraux, spéciaux, mobiliers, immobiliers. || Purger certains biens de leurs privilèges et hypothèques (→ Détenteur, cit. 2). || Frais assortis d'un privilège. — Dr. comm. || Privilèges de crédit (→ Exportation, cit. 3). — Dr. fisc. (⇒ Exemption). || Privilège des bouilleurs de cru (→ Escompter, cit. 5). || Privilèges du Trésor. — Écon. || Privilèges exclusifs (cit. 1) qui gênent la liberté du commerce. ⇒ Monopole (cit. 1). || Privilège d'émission de la Banque (cit. 3) de France.7 — Je paierai moi-même, reprit-il, la charge à votre patron, de manière à m'établir un privilège bien solide sur le prix et le cautionnement. — Oh ! tout ce que vous voudrez pour les garanties.Balzac, Gobseck, Pl., t. II, p. 641.♦ (XVIIe). Hist. || Privilège du Roi ou, ellipt, privilège : autorisation exclusive d'imprimer un ouvrage après examen de la censure. || Privilège qui figure en tête, à la fin d'un livre.2 (XIIIe). Par métonymie. (Dr., hist.). Acte authentifiant la concession d'un privilège. || Dresser, enregistrer, sceller un privilège.3 Fig. Avantage, faveur que concède qqch. || Les privilèges de la naissance, de la fortune. || Le privilège du génie (→ Anachronisme, cit. 2). || Le privilège de l'âge. || Un des privilèges prodigieux de l'Art (→ Artistement, cit. 2, Baudelaire).8 Les privilèges de la beauté sont immenses. Elle agit même sur ceux qui ne la constatent pas.Cocteau, les Enfants terribles, p. 15.4 (XVe). Apanage naturel de (un être, un groupe, une chose). || La marche, privilège de l'espèce humaine (cit. 9) et animale. || « Le dessin (cit. 7) de création est le privilège du génie » (Baudelaire) → aussi Naturaliste, cit. 5. — Le privilège de l'immortalité. ⇒ Don (→ Impalpable, cit. 1). || Posséder le privilège de l'infaillibilité (→ Fatalité, cit. 13). — (Avec de et l'inf.). || Avoir le privilège d'entrer dans le vice sans s'y perdre (→ Dépraver, cit. 4, Michelet).9 (Dieu) n'a accordé qu'à nous seuls ce triple et glorieux privilège, de boire sans avoir soif, de battre le briquet, et de faire l'amour en toutes saisons, ce qui nous distingue de la brute beaucoup plus que l'usage de lire les journaux et de fabriquer des chartes.Th. Gautier, Préface de Mlle de Maupin, éd. critique Matoré, p. 33.10 (…) beaucoup plus malheureuse que la plupart de ceux qui l'approchaient, elle avait néanmoins ce privilège d'être pour chacun une source de courage, d'équilibre, de bonheur.Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 37.♦ Péj. ou iron. || Le triste privilège de s'égarer d'erreurs en erreurs (→ Conscience, cit. 14). || Humiliation (cit. 13) dont les hommes ont le privilège. ⇒ Monopole. — « Rire des gens d'esprit, c'est le privilège des sots » (→ 1. Fou, cit. 10, La Bruyère). || Le privilège « Qu'ont les pédants de gâter (cit. 25) la raison » (La Fontaine). || Nains (cit. 3) dont les grimaces avaient le privilège de dérider les rois (→ aussi Imbroglio, cit. 4).❖DÉR. Privilégier.
Encyclopédie Universelle. 2012.